nés-fatigués

Ma vie : Traîner un landau sous l’eau. Les nés-fatigués me comprendront.

Henri Michaux, « Face aux verrous », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 455.

David Farreny, 22 juin 2002
idiot

Volontaire ou non, la solitude est un état contre-nature. Imposée, elle dénote, de notre part, une inaptitude à composer, à s’ouvrir, à faire avec. Délibérée, elle couvre un refus, trahit une sécession. On ne partage pas, plus, les fondements de croyance de la communauté. L’homme est un animal politique, du social individué. Étymologiquement, l’idiot, c’est l’homme privé, solitaire. Lorsqu’on est seul à se défier du monde, c’est de soi qu’il faut se défier.

Pierre Bergounioux, « Entretien avec Thierry Bouchard », Compagnies de Pierre Bergounioux, Théodore Balmoral, p. 152.

David Farreny, 2 juin 2005
incendie

toute cigarette finit au cendrier

toute marée se meurt sur la dent du rocher

tout spectacle s’éteint

dans le fracas des strapontins

et même ton souvenir qui s’arme dans cet écrit

finira lui aussi dans la chaleur de l’Incendie

William Cliff, « La Coruña », Marcher au charbon, Gallimard, p. 68.

David Farreny, 4 sept. 2009
consoler

Les chagrins nous restent parce qu’on se souvient. Ceux que nous avons été, jour après jour, confient leur grief à celui qui les continue. Ils croient que le discernement, la volonté ou, simplement, les moyens dont ils sont dépourvus, lui les possédera et qu’il reviendra sur ses pas pour consoler ses hypostases lointaines. Le psychologue Zeigarnik suggère que c’est de ce qui n’a pas trouvé sa résolution que nous nous souvenons. Le reste s’est consumé dans un présent pur.

Pierre Bergounioux, « Visitation », « Théodore Balmoral » n° 58, automne-hiver 2008, p. 40.

David Farreny, 10 nov. 2009
garder

Deux notes du Livre de mon bord, de Pierre Reverdy :

« C’est un tour de force incroyable de garder au bout de sa plume, après les détours qu’elle doit faire, la saveur de la sensation. »

« Les sensations sont le combustible du néant. Inutile de les noter, de les embaumer. Elles ne ressuscitent, avec leur sève et leur parfum, que lorsqu’elles ressurgissent on ne sait plus d’où, quand on les avait oubliées – qu’elles sont retordues, transformées, adaptées au moment précis où elles doivent être libérées. Non plus pour être exprimées elles-mêmes, mais pour exprimer. »

Antoine Émaz, Lichen, encore, Rehauts, p. 61.

Cécile Carret, 4 mars 2010
affluent

Vu passer, dans une travée, un chat qui tenait dans sa gueule un oiseau plumé, un pigeonneau, sans doute, dérobé à la boucherie. Nous sommes vraiment entrés dans l’affluent society.

Pierre Bergounioux, « mardi 25 mai 2004 », Carnet de notes (2001-2010), Verdier, p. 485.

David Farreny, 2 fév. 2012
propre

Je regarde avec émerveillement cette belle et simple campagne, ces lentes ondulations des collines, quelques fermes rouges et blanches qui ont dû sortir de terre avec la dernière averse. Je m’aperçois que cette espèce de précision propre n’a rien d’énervant mais est au contraire infiniment bienfaisante. C’est en grandeur naturelle l’harmonieuse fantaisie d’un paysage de Samivel.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 47.

Cécile Carret, 18 juin 2012
ravagées

Si après six mois de séjour en Inde on commence à regarder les petites filles plus souvent qu’on voudrait, c’est qu’à vingt ou vingt-deux ans la plupart des femmes sont ravagées, édentées, déformées, avec ces visages gonflés et aussi effacés – d’avoir accepté sans les comprendre une série d’événements désagréables se succédant tellement vite (les enfants, ces gros fruits exigeants, si vite mûrs et si vite abîmés) que l’esprit, renonçant à suivre, renonçant à vivre, les avait quittées pour toujours.

Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 100.

Cécile Carret, 28 juin 2012
limites

L’homme est peut-être moitié esprit et moitié matière, comme le polype qui est mi-plante, mi-bête. Les plus étranges créatures sont toujours celles se trouvant aux limites.

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l’âme, Corti, p. 210.

David Farreny, 11 déc. 2014
frais

Pour manger frais ton pain rassis, fais un petit effort de mémoire.

Éric Chevillard, « mercredi 17 décembre 2014 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 17 déc. 2014

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