ruine

Tactiques, géographies, temps qu’il fait et propos civils ne sont pas du côté des morts. À nous en prélude l’humidité, la confusion, la fadeur nauséeuse des jours, un peu de salive au coin des lèvres, une stupeur immobile, qui ne valent cependant ni quitus ni consentement à ces perspectives de ruine.

Mathieu Riboulet, Mère Biscuit, Maurice Nadeau, p. 44.

Élisabeth Mazeron, 7 nov. 2007
comprenez

Je restais assis comme si je n’avais pas été là.

— Tri-li-li.

Le silence, de nouveau, la prairie, l’azur, le soleil, déjà plus bas, des ombres qui s’allongeaient.

— Tri-li-li !

Mais cette fois, il y allait carrément, c’était agressif comme un signal d’assaut. Et aussitôt tomba un

— Berg !

À voix très haute, très nette… je ne pouvais pas ne pas demander ce que cela signifiait.

— Comment ?

— Berg !

— Quoi, berg ?

— Berg !

— Ah oui, vous parliez de deux juifs… C’est une histoire juive.

— Quelle histoire ? Berg ! Le berguement du berg dans le berg – vous comprenez ? – le bemberguement du bemberg…

Il ajouta d’un ton rusé :

— Tri-li-li.

Witold Gombrowicz, Cosmos, Denoël, p. 158.

Cécile Carret, 11 déc. 2007
affreuse

Mais cette première « alerte », comme disent les médecins sur un ton qui ne l’est que trop, signe l’entrée sans retour de la maladie et de la mort dans la vie du Castor : « Notre mort est en nous, non comme un noyau dans le fruit, comme le sens de notre vie ; en nous, mais étrangère, ennemie, affreuse. » Tout s’éteint : la mort maintenant la possède, et elle se sépare de Lanzmann. C’était normal, dit-elle, fatal, même souhaitable : gradation significative. Et progrès dans le sens de Descartes ; si je finis par souhaiter ce qui était inévitable, alors c’est que j’accepte enfin de « changer mes désirs » plutôt que l’« ordre du monde ». Cela n’empêche pas de souffrir.

Danièle Sallenave, Castor de guerre, Gallimard, pp. 453-454.

Élisabeth Mazeron, 9 juin 2009
temps

Il nous reste si peu de temps qu’il nous faut aller lentement.

Helmut Lachenmann.

David Farreny, 27 mars 2010
mille

Comme un certain nombre de provinciaux, j’ai longuement attendu et voulu Paris. […]

Ainsi donc la « vraie vie » commence ; à l’époque, je ne sais pas exactement ce que recouvre la formule, mais qu’importe : je veux l’illusion enivrante que charrie la grande ville, les mille possibles, l’imprévisible toujours renouvelé. Et convoquer enfin tout ce que je me suis promis de vivre.

Arnaud Cathrine, Nos vies romancées, Stock, p. 19.

Cécile Carret, 4 oct. 2011
en

Si quelqu’un vous dit ah la poésie ! vous êtes prêt à lui faire écho. Mais s’il vous en débite c’est une autre affaire.

Robert Pinget, Monsieur Songe, Minuit, p. 86.

Cécile Carret, 8 déc. 2013
rapiécer

Ce ne serait pas la première fois que j’observe combien le souvenir qui s’éloigne devient perméable à une fiction littéraire, quand elle est restée à l’esprit présente et forte, au point d’accepter, si cette fiction s’adapte par hasard à un espace usé de la mémoire qui montre la corde, de se laisser rapiécer par elle sans façons.

Julien Gracq, Lettrines (II), José Corti, p. 8.

David Farreny, 18 oct. 2014
sinuosités

S’il faut renoncer, pour se faire entendre, aux sinuosités délicieuses de la pensée, alors mieux vaut abandonner la pensée. Ce n’est pas elle, en effet, qui est un plaisir, ce sont les sinuosités qui la conduisent. La pensée est une province de la Sinuosité en soi. La Sinuosité est la littérature même.

Philippe Muray, « 1er novembre 1989 », Ultima necat (III), Les Belles Lettres, p. 222.

David Farreny, 29 fév. 2024

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