La répétition est une forme ambiguë ; tantôt elle dénote l’échec, l’impuissance ; tantôt elle peut se lire comme une aspiration, le mouvement obstiné d’une quête qui ne se décourage pas : on pourrait très bien faire entendre le récit de drague comme la métaphore d’une expérience mystique (peut-être même cela a-t-il été fait ; car dans la littérature tout existe : le problème est de savoir où).
Roland Barthes, préface à « Tricks » de Renaud Camus, P.O.L., p. 17.
Tu laisses quelqu’un nager en toi, aménager en toi, faire du plâtre en toi et tu veux encore être toi-même !
Henri Michaux, « Poteaux d’angle », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 1042.
Crab ne pourrait pas avoir de chat. Je suis beaucoup trop indépendant, dit-il.
Éric Chevillard, Un fantôme, Minuit, p. 119.
C’est pourquoi personne ne résiste. Happés avec douceur, mais happés irrésistiblement, ils glissent vers la chaude ouverture. L’idée de résistance ne s’offre pas véritablement à eux. Ils se laissent faire, saisis par l’évidence.
Henri Michaux, « La vie dans les plis », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 162.
– J’arrive ! hurla-t-il.
C’étaient ces voix exigeantes, toujours les mêmes, dont les sonorités lui perçaient la mémoire jusqu’aux couches les plus primitives, jusqu’à la strate première de sa naissance et même avant, jusqu’à la période du dortoir, quand ses grands-mères manipulaient sa forme embryonnaire et feulaient au-dessus de lui pour lui transmettre leur vision du monde.
Il écarta le rideau, il sortit. Il se tint sur le seuil pendant cinq minutes, massif comme un yack.
— J’écoutais un quatuor de Baldakchan, dit-il.
Antoine Volodine, Des anges mineurs, Seuil, p. 178.
J’ai le sentiment de ne savoir où diriger tous ces dons que le voyage prodigue avec tant d’abondance. Je n’ai plus de « projet » bien descriptible et cette longue interruption qui m’a fait tant de bien n’a fait aussi que renforcer ma perplexité. Amadou sec, j’attends ma flamme.
Nicolas Bouvier, Il faudra repartir. Voyages inédits, Payot & Rivages, p. 129.
La noblesse humaine est l’œuvre que le temps cisèle parfois dans notre ignominie quotidienne.
Nicolás Gómez Dávila, Scolies à un texte implicite, p. 65.
Drôle de destin, que d’être fait d’atomes s’enchaînant les uns aux autres par des liaisons covalentes ! On est comme qui dirait un « composé organique ». Comme tel, on n’a pas d’avenir. On se sent, tel le dronte, promis à l’extinction. Il aurait mieux valu être une pierre dure rotacée, on n’aurait pas eu tous ces soucis.
Olivier Pivert, « Nostalgie de l'inorganique », Encyclopédie du Rien. 🔗