polyèdres

C’est son défaut d’accommodation à cette constante double valence de toutes notions et c’est son entêtement à éliminer les envers qui mettent la pensée de l’occidental en même situation qu’une géométrie plane en regard des polyèdres.

Jean Dubuffet, Asphyxiante culture, Minuit, p. 45.

David Farreny, 14 avr. 2002
freins

L’homme est un être à freins. S’il en lâche un, il crie sa liberté (le pauvre !), cependant qu’il en tient cent autres bien en place.

Henri Michaux, « Connaissance par les gouffres », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 133.

David Farreny, 21 oct. 2005
délasser

Fade matinée. Je dépêche les paquets de copies qui s’accumulaient. Jean vient couler un œil sur la besogne. Il en conçoit une haute idée parce que je suis en train de juger ses semblables. La corvée expédiée, je passe à la dernière livraison des Actes de la recherche, lis l’article de L. Pinto sur l’enseignement de la philosophie puis, pour me délasser de cette analyse rigoureuse, un peu austère, la Géologie des gîtes minéraux de Raguin.

Pierre Bergounioux, « mercredi 8 juin 1983 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, p. 212.

David Farreny, 14 mars 2006
infanticide

Dîner accablant, près de papa dont l’éloignement me désespère. Comme s’il n’avait vécu que de nous détruire, Gaby et moi, chaque jour, qu’il eût tiré toute son énergie, son être même et sa joie, de l’anéantissement quotidien de nos frêles personnes. C’est sans doute l’autre face de l’Œdipe, l’infanticide qui en constitue l’épisode premier. Et puis un jour, nous avons atteint l’âge, pris la consistance, acquis la connaissance qui nous mettaient hors de ses atteintes et c’est lui qui a basculé dans le néant. Comme s’il n’avait pu coexister avec nous, que la disparition de son père, lorsqu’il était enfant, lui eût interdit de souffrir, près de lui, en tant que père, des enfants. C’est ainsi que je m’explique, désormais, l’ombre terrible qu’il a jetée sur nos commencements, la lutte à mort où il nous a provoqués quand nous ne songions qu’à vivre en paix, affectueusement, avec lui.

Pierre Bergounioux, « dimanche 9 novembre 1986 », Carnet de notes (1980-1990), Verdier, pp. 548-549.

Élisabeth Mazeron, 11 nov. 2008
gibets

Les maisons qui nous tournent le dos comme un jeu de dominos

nous montreront leurs jardinets au moment de quitter la ville :

des trampolines pour enfants, des gibets de basket

et une fureur d’algues verdissantes

dans la pataugeoire où un ballon dégonflé

n’est pas sans me rappeler les nymphéas de Monet à Giverny,

mouchetés de soleil. Et puis plus rien.

Le bleu du ciel, sans esprit de suite.

Deux minutes. Et ces pinces à linge sur un fil :

des guillemets enserrant l’après-midi vacante.

Patrick McGuinness, « Marbehan », « Théodore Balmoral » n° 61, hiver 2009-2010, p. 161.

David Farreny, 10 juin 2010
éclair

La naissance de Grégor se déroule ainsi dans cette obscurité bruyante jusqu’à ce qu’un éclair gigantesque, épais et ramifié, torve colonne d’air brûlé en forme d’arbre, de racines de cet arbre ou de serres de rapace, illumine son apparition puis le tonnerre couvre son premier cri pendant que la foudre incendie la forêt alentour. Tout s’y met à ce point que dans l’affolement général on ne profite pas de la vive lueur tétanisée de l’éclair, de son plein jour instantané pour consulter l’heure exacte – même si de toute façon, nourrissant de vieux différends, les pendules ne sont plus d’accord entre elles depuis longtemps.

Jean Echenoz, Des éclairs, Minuit, p. 9.

Cécile Carret, 9 oct. 2010
contre-spectacle

La route traversait un marécage desséché où des tuyaux de glace sortaient tout droits de la boue gelée, pareils à des formations dans une grotte. Les restes d’un ancien feu au bord de la route. Au-delà une longue levée de ciment. Un marais d’eau morte. Des arbres morts émergeant de l’eau grise auxquels s’accrochait une mousse de tourbière grise et fossile. Les soyeuses retombées de cendre contre la bordure. Il s’appuyait au ciment rugueux du parapet. Peut-être que dans la destruction du monde il serait enfin possible de voir comment il était fait. Les océans, les montagnes. L’accablant contre-spectacle des choses en train de cesser d’être. L’absolue désolation, hydropique et froidement temporelle. Le silence.

Cormac McCarthy, La route, L’Olivier, pp. 399-400.

David Farreny, 18 mai 2011
preuves

Il se sent prisonnier sur cette terre, il est à l’étroit, la tristesse, la faiblesse, les maladies, les idées délirantes du prisonnier éclatent chez lui, aucune consolation ne peut le consoler, justement parce que ce n’est que consolation, douce consolation qui fait souffrir la tête en face du fait brutal de la captivité. Mais si on lui demande ce qu’il voudrait vraiment, il ne peut pas répondre, car — c’est là l’une de ses plus fortes preuves — il n’a aucune idée de la liberté.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 493.

David Farreny, 9 nov. 2012
loi

C’est une loi pénible : plus les femmes sont belles et plus je suis laid.

Éric Chevillard, « dimanche 25 juin 2017 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 24 fév. 2024
jeune

Elle est jeune comme ne peut l’être qu’un très vieux souvenir.

Éric Chevillard, « mardi 19 mars 2019 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 3 mars 2024

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