aller chez les grossistes pour retrouver ce plaisir
sucre lourd comme du ciment
papier vendu au kilo et porté par des diables
Michel Besnier, Un lièvre en son gîte, Folle Avoine, p. 38.
Quoi qu’il arrive dans cet espace, vous avez tout le temps pour assister au spectacle. Avec votre temps nouveau, avec vos minutes aux trois mille instants, vous ne serez pas débordé, avec votre attention surdivisée vous ne serez pas dépassé. Jamais.
Henri Michaux, « Misérable miracle », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 680.
Combien souvent en ces heures interminables, quoique courtes en fait, de l’expérience du terrible décentrage, combien souvent n’a-t-il pas songé à ses frères, frères sans le savoir, frères de plus personne, dont le pareil désordre en plus enfoncé, plus sans espoir et tendant à l’irréversible, va durer des jours et des mois qui rejoignent des siècles, battus de contradictions, de tapes psychiques inconnues et des brisements d’un infini absurde dont ils ne peuvent rien tirer.
Il sait maintenant, en ayant été la proie et l’observateur, qu’il existe un fonctionnement mental autre, tout différent de l’habituel, mais fonctionnement tout de même. Il voit que la folie est un équilibre, une prodigieuse, prodigieusement difficile tentative pour s’allier à un état disloquant, désespérant, continuellement désastreux, avec lequel il faut, il faut bien que l’aliéné fasse ménage, affreux et innommable ménage.
Henri Michaux, « Connaissance par les gouffres », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 96.
Mme d’Heudicourt, observe Saint-Simon, n’avait de sa vie dit du bien de personne qu’avec « quelques mais accablants ».
Merveilleuse définition, non pas de la médisance, mais de la conversation en général.
Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, Gallimard, p. 132.
Quelque chose, chez lui, interdisait peut-être qu’on s’[…]inquiétât sérieusement, ou bien c’était moi qui lâchais, qui décrochais, soudain, et […] je songeais à ces efforts que tous trois nous déployions, finalement, quand nous étions au fond des solitaires, qui s’efforçaient de l’être moins, sans doute, mais qui, se faisant, se contentaient d’écorner quelque contrat passé avec eux-mêmes.
Christian Oster, Trois hommes seuls, Minuit, p. 96.
Morale de la médiocrité. Être médiocre. L’homme moyen. D’abord l’homme-moyen comme on dit l’homme-fusée. Il est au niveau des moyens. Il se perd exprès dans l’infini des moyens pour ne pas regarder la fin en face. La fin est sous-entendue. En outre il est victime de la solidification des moyens qui deviennent eux-mêmes fins. En sorte que la tragédie de la poursuite de l’être se transforme en comédie. Épaississement du moyen.
Jean-Paul Sartre, Cahiers pour une morale, Gallimard, p. 25.
À Fabre-Luce, à Jacques de Lacratelle, en les quittant, du fond du cœur, et du fond de ma ruine, j’ai dit, en les quittant si heureux encore, si entouré : « Je vous souhaite le statu quo. »
Paul Morand, « 19 août 1975 », Journal inutile (2), Gallimard, p. 594.
La chauve-souris dort d’un sommeil de fil à plomb.
Éric Chevillard, « mardi 18 mars 2014 », L’autofictif. 🔗