indéchiffrable

Il lui reste environ quarante-cinq minutes avant de songer à partir. Il regarde la fenêtre grillée qui donne sur la rue Vaneau, luisante et si tranquille entre deux averses. Il regarde le plafond, sale mais indéchiffrable.

Jean de La Ville de Mirmont, Les dimanches de Jean Dézert, La Table Ronde, p. 36.

David Farreny, 22 mars 2002
aide-comptable

… et de la hauteur majestueuse de tous mes rêves — me voici aide-comptable en la ville de Lisbonne.

Fernando Pessoa, « Autobiographie sans événements », Le livre de l’intranquillité (édition intégrale), Christian Bourgois, p. 42.

Guillaume Colnot, 16 mai 2002
diffère

Quelque chose, quelque part diffère.

Henri Michaux, « Les grandes épreuves de l’esprit et les innombrables petites », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 362.

David Farreny, 8 déc. 2005
vanité

C’était de grands hommes robustes, incapables de mesurer les conséquences de leurs actes, doués de courage et même de force, bien que leur peau eût cessé d’être luisante et leurs muscles d’être durs. Force m’était de constater qu’une obscure influence, l’un de ces mystères humains qui jettent un défi au plausible, avait dû entrer en jeu. Je les considérai avec un vif regain d’intérêt. L’idée qu’avant peu je pouvais fort bien être mangé par eux ne m’entra pas dans la tête. Et pourtant, il faut avouer qu’à ce moment, je m’aperçus — à la faveur de ce jour nouveau — de l’aspect malsain des pèlerins, et j’espérai, oui, positivement, j’espérai que ma personne n’avait pas un air aussi — comment dirai-je — aussi peu appétissant, — touche de vanité fantastique qui s’accordait à merveille avec la sensation de rêve qui pénétrait mon existence à cette époque. Peut-être avais-je aussi un peu de fièvre.

Joseph Conrad, Le cœur des ténèbres, Gallimard, pp. 169-170.

David Farreny, 2 oct. 2008
mort

       Or à jamais tu dormiras,

Cœur harassé. Mort est le dernier mirage,

Que je crus éternel. Mort. Et je sens bien

Qu’en nous des chères illusions

Non seul l’espoir, le désir est éteint.

Dors à jamais. Tu as

Assez battu. Nulle chose ne vaut

Que tu palpites, et de soupirs est indigne

La terre. Fiel et ennui,

Non, rien d’autre, la vie ; le monde n’est que boue.

Or calme-toi. Désespère

Un dernier coup. À notre genre le Sort

N’a donné que le mourir. Méprise désormais

Toi-même, la nature, et la puissance

Brute inconnue qui commande au mal commun,

Et l’infinie vanité du Tout.

Giacomo Leopardi, « À soi-même », Chants, Flammarion, p. 201.

David Farreny, 10 juin 2009
destin

Reste à savoir si nous ne devrions pas être décimés un peu plus souvent peut-être, étant donné que sans cela, l’air dont nous avons besoin pour respirer pourrait bien venir à manquer. Les rangs de nos pères étaient éclaircis à intervalles réguliers. Après un de leurs orages guerriers purificateurs, seuls quelques-uns relevaient la tête. Ceux-ci mettaient de l’ordre dans les affaires restées en suspens, rangeaient, et fécondaient les femmes qui restaient. Celui qui savait tenir un stylo à peu près droit devenait écrivain et professeur d’écriture, celui qui savait tenir un pinceau devenait peintre et professeur de peinture, celui qui savait tenir de la farine devenait boulanger et professeur de boulangerie, celui qui était cultivé devenait cultivateur et ainsi de suite, jusqu’à ce que tous les vides soient comblés et que ces gentils humains provisoires soient relayés par leurs descendants. Puis il y avait à nouveau une épidémie ou une bataille qui faisait de la place. De nos jours, les gens doivent se livrer à une lutte impitoyable pour avoir une place au soleil et, de ce fait, gagner aussi parfois leur vie avec les idées les plus insolites, par exemple en exigeant davantage de destin.

Matthias Zschokke, Maurice à la poule, Zoé, pp. 202-203.

David Farreny, 11 mars 2010
empêche

Ce qui l’empêche de se lever est une certaine pesanteur, le sentiment d’être à l’abri quoi qu’il arrive, le pressentiment d’un lieu de repos qui lui est préparé et n’appartient qu’à lui ; ce qui l’empêche de rester couché est une inquiétude qui le chasse de sa couche, sa conscience, son cœur qui bat interminablement, sa peur de la mort et son besoin de la réfuter, tout cela l’empêche de rester couché et il se relève. Ces hauts et ces bas, ainsi que quelques observations rapides et insolites faites par hasard sur ces chemins constituent sa vie.

Franz Kafka, « Journaux », Œuvres complètes (3), Gallimard, p. 501.

David Farreny, 9 nov. 2012
triomphe

L’Arc révèle le vide de tout Triomphe.

Petr Král, Cahiers de Paris, Flammarion, p. 195.

David Farreny, 2 avr. 2013
stewart

À peine levé, le soleil a replongé dans la poix. Soleil noir de la putréfaction : il réapparaît quelques instants plus tard, la partie basse de son disque maculée d’un goudron dont il se dégage avec peine et ne retrouve de sa superbe qu’au moment où l’avion dégringole vers Roissy. On s’agite, on s’habille, on se lève. Le culte est fini, on va regagner la terre. À la sortie, le stewart, en habit bleu chamarré d’or, donnera à chacun sa bénédiction.

Jean Clair, Lait noir de l’aube, Gallimard, p. 148.

Guillaume Colnot, 25 sept. 2013
licite

On peut attaquer un philosophe, polémiquer avec n’importe qui. S’en prendre à un écrivain est beaucoup plus grave. Je ne peux pas tomber sur un écrivain (mort ou vivant) comme je tomberais sur n’importe qui. Il y faut une loi. L’attaque d’un écrivain devient licite dès lors qu’il se conduit en thérapeute social, en médecin du monde, guérisseur sans frontières.

Philippe Muray, « 17 avril 1982 », Ultima necat (I), Les Belles Lettres, p. 166.

David Farreny, 2 mars 2015

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