exception

Si vous pratiquez l’exception à une règle, la plupart des gens croiront que vous ignorez la règle. Si vous pratiquez l’exception à l’exception à une règle, ce qui consiste, dans la majorité des cas, à opérer un retour à la norme, la plupart des gens croiront que vous ignorez l’existence de l’exception.

Renaud Camus, Buena Vista Park, Hachette/P.O.L., p. 24.

David Farreny, 13 avr. 2002
méchanceté

Cela suffit. Cela n’est rien ; une invitation à laquelle on n’a pas répondu, et l’instant passe ; la peine d’avoir fait de la peine à quelqu’un qu’on n’aime pas ; l’intelligence qui voudrait pouvoir accepter davantage ; la vanité qui reparaît sous un nouveau masque ; le geste déjà fait, les paroles déjà dites ; la vieille pitié pour le sot qui affirme, qui réclame conte l’ordre établi, et qui se fâche ; les yeux de l’amour qui vous ont regardé un moment à travers les yeux de quelqu’un, et déjà ce visage se détourne ; le silence des pauvres qui meurent tous les jours pour nous ; le murmure des gens qui prient pour nous dans les couvents… Ah ! ce n’est rien que la petite méchanceté de vivre…

Valery Larbaud, « Journal intime de A.O. Barnabooth », Œuvres, Gallimard, p. 247.

Élisabeth Mazeron, 14 juin 2006
jeu

Nous nous sommes regardés un certain nombre de fois, par petits coups, ce que j’appelais alors des regards en point d’interrogation. Je jouais volontiers à ce jeu-là. Cela marche ou cela ne marche pas.

Cela a marché. Après quelques minutes, elle n’a pu s’empêcher de rire.

— Vous êtes drôle. Qu’est-ce que vous me voulez ?

— Je ne sais pas encore.

Georges Simenon, L’homme au petit chien, Presses de la Cité.

Cécile Carret, 11 mars 2007
saison

Quand la belle saison est là, on ne sait plus pourquoi on attendait la belle saison.

Jean-Pierre Georges, Le moi chronique, Les Carnets du Dessert de Lune, p. 62.

David Farreny, 12 mars 2008
si

Vrai j’en suis si content de ce que si ici parfois il y a des cafards dans le manger, chez toi il y a femme et enfant.

Vincent van Gogh, « Saint-Rémy-de-Provence, août-septembre 1889 », Lettres à son frère Théo, Gallimard, p. 517.

David Farreny, 2 juil. 2009
point

Donc rester assis. Survoler des yeux écarquillés les plates-bandes d’idées. […] Le mur blanc me regardait, comme toujours, paisiblement ; paisiblement ; — pai. Si. Blement. – – (Le gros point brillant dans la serrure de la porte, c’était le bout de la tige – de la clé ; très brillant. Brillant gênant en fait ; je décidai d’y coller demain un rond de papier.)

Arno Schmidt, « Échange de clés », Histoires, Tristram, p. 70.

Cécile Carret, 22 nov. 2009
façon

Elle vit un échalas crasseux à la longue tignasse grise, vêtu d’un simple sac postal ficelé à la ceinture et chaussé de sandales sonores. Elle était seule dans la rue avec lui. Quand elle jetait un œil dans son dos, l’homme détournait le regard, ralentissait et inclinait la tête d’une façon coupable. Ensuite elle reprenait sa marche, et lui de même, faisant claquer ses mauvaises sandales comme s’il venait de les voler à quelqu’un le surpassant de trois pointures. […] Le cochon de lait roula au sol dans son torchon et elle se jeta dessus à plat ventre. L’homme la prit par les cheveux et la redressa.

— Donne-moi ton c’chon. Ton c’chon !

Julien Péluchon, Pop et Kok, Seuil, p. 38.

Cécile Carret, 9 mars 2012
lithographies

Ô jardins, même pas suspendus ! Quelque part

le voyageur s’égare dans une forêt d’hommes ;

il écoute dans le ventre des employés des postes

la chanson écrémée et simple des laitières.

Mais y a-t-il encore des voyageurs, des pas

dans le sable, des touristes dévorés par des squales,

des îles ovipares où pousse l’ancolie,

des bateaux échoués sur des lithographies ?

À travers le charbon, l’essence et le pétrole

voici que le visage de l’homme s’est noirci.

Voici qu’il penche sur ses outils de travail :

le rein, le foie et le poumon.

Benjamin Fondane, « Titanic », Le mal des fantômes, Verdier, p. 108.

David Farreny, 21 juin 2013
invisiblement

Puis c’étaient de nouveau des châteaux, nichés sur de hautes pointes rocheuses, et des cloîtres, sombres anneaux de murailles autour desquels dans les étangs à carpes la lumière scintillait comme sur des miroirs.

Quand du haut de notre siège élevé nous regardions les séjours que l’homme a bâtis pour y cacher sa vie, son bonheur, ses nourritures, ses religions, alors tous les siècles fondaient à nos yeux en une seule réalité.

Et les morts, comme si les tombes s’étaient ouvertes, surgissaient invisiblement. Ils nous environnent dès que notre regard se pose avec amour sur une terre à l’antique culture, et tout comme leur héritage est vivant dans la pierre et le sillon, leur âme très ancienne est présente sur les terres et les campagnes.

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre, Gallimard, p. 44.

Cécile Carret, 27 août 2013
birbes

Mes exacts contemporains me font l’effet de birbes décatis, j’observe leurs visages détruits en protégeant le mien d’une éventuelle contamination sous un masque fripé que je ne retire plus et dont les plis de plus en plus marqués me prouvent que j’ai raison de prendre ces précautions : voici donc comment se flétriraient mes joues fraîches si je les exposais à ces atmosphères et contacts délétères.

Mes sourcils sont restés noirs et bien plantés. Je m’en coiffe. Raie au milieu. Ma tête d’enfant.

Éric Chevillard, Le désordre azerty, Minuit, p. 79.

Cécile Carret, 16 fév. 2014
y

Étrange lieu que la solitude – sans issue lorsque l’on s’y trouve ; sans accès lorsque l’on n’y est pas.

Éric Chevillard, « jeudi 13 juin 2013 », L’autofictif. 🔗

Cécile Carret, 12 sept. 2014

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