Occident

Mais — la rareté du ciel lorsqu’il blanchit, les rues identiques les unes aux autres, le dimanche soir en Occident…

François Rosset, Froideur, Michalon, p. 163.

David Farreny, 15 nov. 2002
absence

Castres a de longue date joui pour moi d’un très grand prestige romanesque, dû pour partie à son nom effrayant, mais surtout à l’absence de toute image précise à elle associée.

Renaud Camus, « jeudi 5 juin 1980 », Journal d’un voyage en France, Hachette/P.O.L., p. 415.

David Farreny, 9 août 2005
éboulis

Septembre en fait des tonnes. C’est une éruption de bleu pur sur un canal, une apothéose de lumière que criblent les grands platanes penchés sur l’eau. C’est de tout côté éboulis de douceur, débauche d’harmonie.

Jean-Pierre Georges, Aucun rôle dans l’espèce, Tarabuste, p. 92.

Élisabeth Mazeron, 28 juin 2006
rire

Ah ! Ah ! Ah ! Yélé, oh, Yélé ! Le feu l’a grillé, le gros Ézuzum, le feu l’a tué, le gros Ézuzum, le feu l’a mangé, le gros Ézuzum. Ah ! Ah ! Ah ! Yélé, ho ! Yélé ho ! Le feu l’a mangé, kri kri kri, celui qui voulait nous manger ! Où est son grand couteau, l’eau et la marmite. Ah ! Ah ! Ah ! Nous allons rire. Merci Ngemanduma. Nous allons rire.

Christophe Tarkos, « Processe », Écrits poétiques, P.O.L., p. 113.

David Farreny, 21 mai 2009
valable

Malheur, pourquoi ne nous vois-je plus en accord ? Malheur ! Pourquoi à trois heures de l’après-midi la lumière dans le chemin creux, le battement des trains sur les rails, ton visage, pourquoi tout cela n’est-il plus l’événement que cela a été ce matin encore, valable jusque dans l’avenir le plus lointain ? Malédiction, pourquoi contrairement à l’image bien connue du vieillissement puis-je moins que jamais fixer, retenir, apprécier les moments de la journée ou de la vie ? Malédiction, pourquoi suis-je donc au vrai sens du terme si distrait ? Malédiction, malheur de malheur.

Peter Handke, « Essai sur la journée réussie », Essai sur la fatigue. Essai sur le juke-box. Essai sur la journée réussie, Gallimard, pp. 155-156.

David Farreny, 31 oct. 2009
livre

En revanche, il offre beaucoup à lire. C’est à se demander s’il ne convient pas de ranger parmi les indices de la grande déculturation en cours ces musées qui mettent un point d’honneur à relever, sur le mode plus ou moins ludique — force tiroirs à explorer, en l’occurrence —, et dûment spatialisée, la fonction désertée du livre. Quand personne ne fréquentera plus les millions de volumes des bibliothèques, on ira au musée pour lire : la lecture sera devenue une activité rare, curieuse et protégée, qui se pratiquera uniquement dans des conservatoires des activités culturelles, dans des zones réservées aux traditions savantes ; et, tout s’étant décalé d’un ou de plusieurs crans, on se rendra à Las Vegas ou dans des parcs d’attractions pour y contempler les œuvres d’art.

Renaud Camus, « 29, rue Descartes, Descartes, Indre-et-Loire. René Descartes », Demeures de l’esprit. France II. Nord-Ouest, Fayard, p. 191.

David Farreny, 26 fév. 2010
fusion

La compréhension d’une langue ne doit rien à la traduction, on n’apprend jamais dans l’enfance une langue en la faisant passer par l’autre, bien au contraire. Le français, d’emblée, a pris place en moi, et aucune tournure, aucun mot jamais ne me parurent étrangers, ils m’étaient familiers comme depuis toujours.

C’est peut-être l’une des propriétés de la langue française de tout de suite se situer dans l’intimité corporelle de celui qui parle. Or ma langue maternelle, l’allemand, que bien sûr je possède à l’égal du français et dans laquelle j’écris aussi, ne m’a jamais, pas même dans l’enfance, donné cette impression de fusion, comme si l’allemand faisait moins la part de chacun, mais contraignait de toute façon à une participation sonore qui engage plus le corps : il faut respirer à fond pour parler allemand, plus déployer la cage thoracique. Il oblige l’âme davantage, en lui permettant moins d’échapper à une armature linguistique plus contraignante. De plus, les Français parlaient tout autrement aux enfants que les Allemands, sans le timbre de voix mièvre et traînard. L’allemand employé pour s’adresser aux enfants est parlé d’une voix de tête qui simule l’affection. Il prend presque toujours un côté démonstratif mignard et menteur qui m’avait toujours fait peur : les gens qui parlent ainsi aux enfants peuvent tout aussi bien les étrangler, vite fait.

Le français donne une impression d’indifférence, de distance, comme si la langue vous laissait libre, comme si l’ensemble du vocabulaire et une certaine confusion grammaticale laissait plus d’échappées et comme s’il était plus facile qu’en allemand d’y prendre la clé des champs et d’y garder son quant-à-soi. C’est une langue d’intérieur faite pour être parlée dans des maisons avec de grandes fenêtres et des tapisseries à fleurs. C’est une langue souple et rassurante, la langue de la connivence, qui permet d’échanger bien des choses non dites cachées sous les mots.

Georges-Arthur Goldschmidt, La traversée des fleuves. Autobiographie, Seuil, p. 177.

Cécile Carret, 15 juil. 2011
utilise

J’aurais pu m’acheter un nouveau style-bille, cela ne m’aurait pas coûté plus cher que cette recharge, mais je tenais à celui-ci, je m’y étais attaché, j’aimais bien son profil de torpille ou de roquette, son agrafe ingénieuse, son matériau joliment composite (métal brossé, métal brillant, matière plastique), on le tenait agréablement en main et la mention I (cœur) NY laissait penser qu’il venait du même endroit que mon carnet beige, il n’était pas très beau mais j’y tenais. De plus, il était pratique pour prendre des notes tout en marchant car à bille rétractable, donc plus pratique que le feutre V5 Hi-Tecpoint 0,5 Pilot que j’utilise ordinairement mais dont le capuchon, qu’il faut ôter puis remettre (et qu’on ne sait pas où mettre dans l’intervalle), retarde le mouvement.

Jean Echenoz, « Trois sandwich au Bourget », Caprice de la reine, Minuit, p. 110.

Cécile Carret, 26 avr. 2014
peu

On est dégoûté du monde par la partie haute de son intelligence, on le supporte par les parties moyennes de son esprit et on ne le goûte que par les fondements un peu bas de son âme.

Henri de Régnier, « Le bonheur des autres ne suffit pas », L’égoïste est celui qui ne pense pas à moi, Flammarion, p. 49.

David Farreny, 3 mars 2016
secret

Il n’y a pas d’autre secret de famille que celui qui concerne le désir bafoué des hommes de ne pas procréer. Scandale étouffé.

Philippe Muray, « 23 juin 1986 », Ultima necat (II), Les Belles Lettres, p. 102.

David Farreny, 4 mars 2016

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