mangent

Vivre reste une affaire dont les moyens mangent la fin.

Pierre Bergounioux, « Vie domestique », Un peu de bleu dans le paysage, Verdier, p. 45.

David Farreny, 24 mai 2002
aboie

Désir qui aboie dans le noir est la forme multiforme de cet être

Henri Michaux, « Face aux verrous », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 437.

David Farreny, 22 juin 2002
perspective

Un mot encore. Aux amateurs de perspective unique, la tentation pourrait venir de juger dorénavant l’ensemble de mes écrits, comme l’œuvre d’un drogué. Je regrette. Je suis plutôt du type buveur d’eau. Jamais d’alcool. Pas d’excitants, et depuis des années pas de café, pas de tabac, pas de thé. De loin en loin du vin, et peu. Depuis toujours, et de tout ce qui se prend, peu. Prendre et s’abstenir. Surtout s’abstenir. La fatigue est ma drogue, si l’on veut savoir.

Henri Michaux, « Misérable miracle », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 767.

David Farreny, 24 août 2003
midi

Ensuite il y eut le rêve de revenir à la maison de notre enfance, et de se retrouver dans le silence ininterrompu des champs et des bois. Midi passe sans commentaires. À La Bourboule, midi était fait de carillons, du silence des rues, et des bruits multiples, contradictoires, de la vaisselle et des repas qu’on servait dans les grandes salles claires, sous les paupières à demi baissées des stores et des tentures à franges. Ici, midi n’est qu’une heure qui sonne, gaiement là-bas dans la cuisine, et à mi-voix, finement, dans la fraîcheur du salon vide. Nous ne savions plus quoi faire. Le ruisseau, les courses dans les bois, c’était un passé trop récent pour que nous eussions plaisir à le revivre.

Valery Larbaud, « Enfantines », Œuvres, Gallimard, pp. 490-491.

David Farreny, 15 avr. 2008
échappée

Quignard écrit aussi : « Avoir une âme, cela veut dire avoir un secret. » J’ai grand mal à souscrire à cette assertion — ce qui ne signifie pas, bien au contraire, que je ne la trouve pas intéressante, qu’elle ne me nourrit pas. Elle n’est juste, à mon sens, qu’à la condition de prendre le mot secret dans la définition que j’aime à lui donner : le seul secret qui vaille, c’est le secret qui reste quand tous les secrets sont levés. L’âme, oui : l’irréductible au sens, l’indicible, l’échappée de toute parole.

Renaud Camus, « dimanche 15 février 1998 », Hommage au carré. Journal 1998, Fayard, p. 82.

Élisabeth Mazeron, 31 mars 2010
parallèles

Heureusement pour moi, arriva un petit garçon de treize ans au visage couvert de taches de rousseur et qui lui aussi était énurétique. On nous mit ensemble. C’état un petit garçon troublé et merveilleux, d’une intelligence vive et immédiate, qui devinait et comprenait tout et ne jugeait jamais. Nous éprouvâmes instantanément une amitié entière l’un pour l’autre, absolue et sans limites, nous n’étions véritablement qu’une seule âme et, de ma vie, je n’ai plus jamais aimé aucun être de cette façon, de cet amour très particulier de l’amitié extrême qu’on n’éprouve probablement que dans l’enfance. C’était un amour absolument pur, dénué de ce trouble affectif si fréquent des amitiés de pensionnat, il se manifestait par une connaissance instantanée des pensées de l’autre. Il doit exister des âmes parallèles que seul le plus grand des hasards fait se rencontrer.

Georges-Arthur Goldschmidt, La traversée des fleuves. Autobiographie, Seuil, p. 201.

Cécile Carret, 15 juil. 2011
mettable

Ah ! la beauté des jeunes filles ! Souvent, quand je vois des robes ornées de plis, de ruches et de franges de toutes sortes, bien tendues sur de jolis corps, je pense qu’elles ne resteront pas longtemps ainsi : elles prendront des plis qu’on ne pourra plus lisser, la poussière se nichera au plus profond des garnitures et on ne l’en retirera plus, et personne n’aura la tristesse et le ridicule d’enfiler chaque matin cette belle robe précieuse, pour ne la retirer que le soir. Et pourtant, il en existe de ces jeunes filles, de jolies filles pourtant aux muscles ravissants, aux fines chevilles, à la peau doucement tendue, avec des flots de cheveux vaporeux, qui enfilent journellement ce sempiternel déguisement, posent chaque jour le même visage dans le creux de la même main et le contemplent dans le même miroir. Parfois seulement le soir, en rentrant tard de quelque fête, elles découvrent dans leur miroir un visage usé, bouffi, poussiéreux, un visage trop vu et à peine mettable.

Franz Kafka, « Description d’un combat », Œuvres complètes (2), Gallimard, p. 43.

David Farreny, 19 nov. 2011
simplement

— Et vous, que faites-vous ?

— La même chose que le serveur de Pest qui prend huit commandes de café à la fois. L’un des clients commande le café clair et tiède, l’autre noir et brûlant, le troisième noisette et froid, et le serveur crie au garçon de comptoir : « huit cafés ! » tout simplement.

Dezsö Kosztolányi, Portraits, La Baconnière, p. 103.

Cécile Carret, 22 juin 2013
raisons

Les raisons de vivre commençaient à manquer. Il se confia à son meilleur ami qui lui démontra avec flamme que les deux ou trois auxquelles il s’accrochait encore étaient de purs sophismes.

Éric Chevillard, « lundi 7 juin 2021 », L’autofictif. 🔗

David Farreny, 28 fév. 2024
abstraite

Aucune brise, et le mystère semble plus vaste. J’ai des nausées de pensée abstraite.

Fernando Pessoa, « 140 », Le livre de l’intranquillité (1), Christian Bourgois.

David Farreny, 10 mai 2024

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