gastrula

Il voyait l’organisme unicellulaire de l’œuf fécondé sur le point de se transformer en un organisme multicellulaire, en se sillonnant et se segmentant, il voyait les corps des cellules former la blastula dont une paroi s’enfonce en une cavité qui commençait de remplir la fonction de la nutrition et de la digestion. C’était le rudiment du tube digestif, l’animal originel, la gastrula, forme primitive de toute vie animale, forme fondamentale de la beauté charnelle. Ses deux couches épithéliales, l’extérieur et l’intérieur, apparaissaient comme des organes primitifs qui, par des saillies ou des renfoncements, donnaient naissance aux glandes, aux tissus, aux organes des sens, aux prolongements du corps. Une bande de la couche extérieure s’épaississait, se sillonnait en une gouttière, se fermait en un canal médullaire, devenait colonne vertébrale, encéphale. Et, de même que le mucus fœtal se transformait en un tissu fibreux, en un cartilage, par le fait que les nucléoses commençaient à produire, au lieu de mucine, une substance gélatineuse, il voyait en certains endroits les cellules conjonctives tirer des sels calcaires et des substances graisseuses des sucs qui les baignaient, et s’ossifier. L’embryon de l’homme était accroupi, replié sur lui-même, caudifère, à peine différent de celui du porc, avec un énorme tronc digestif et des extrémités rabougries et informes, la larve du visage ployée sur la panse gonflée, et son développement, aux yeux d’une science dont les constatations véridiques étaient sombres et peu flatteuses, n’apparaissait que comme la répétition rapide de la formation d’une espèce zoologique.

Thomas Mann, La montagne magique, Fayard, pp. 320-321.

David Farreny, 3 juin 2007

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